Dans un arrêt du 21 septembre 2022, la Cour de cassation a précisé que le complément d’heures ne peut pas porter la durée du travail au niveau d’un temps plein sous peine de requalification du contrat à temps partiel.
On vous explique tout sur l’articulation contrat de travail à temps partiel / heures complémentaires & les précautions qu’il convient d’avoir à ce sujet.
Le temps partiel... un carcan législatif...
...compliqué encore en 2013 par le système du complément d’heures...
...un point en suspens : dans le cadre du complément d’heures, la durée du travail peut-elle être provisoirement portée à temps plein ?
1 - Le temps partiel... un carcan législatif...
On sait que le contrat de travail à temps partiel est un véritable «carcan».
Les dispositions relatives aux heures complémentaires n’échappent pas à ce constat :
• Les heures complémentaires sont celles effectuées au-delà de la durée du travail prévue au contrat ;
• Ledit contrat doit mentionner les limites dans lesquelles ces heures peuvent être effectuées, dans le respect des plafonds légaux ;
• Le salarié ne peut ni exiger d’effectuer les heures complémentaires prévues dans son contrat, ni refuser de les exécuter ;
• Il doit cependant être informé au moins trois jours à l’avance des heures complémentaires à effectuer (à défaut, son refus ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement) ;
• Les heures complémentaires ouvrent droit à une majoration de salaire (10 % pour celles n’excédant pas 1/10e de la durée contractuelle de travail, 25 % pour celles excédant cette limite).
• Pendant une période de douze semaines consécutives ou pendant douze semaines au cours d’une période de quinze semaines, l’horaire moyen réellement accompli par un salarié a dépassé de deux heures au moins par semaine, ou de l’équivalent mensuel de cette durée, l’horaire prévu dans son contrat, celui-ci est modifié (en fonction de l’horaire moyen réellement accompli) , sous réserve d’un préavis de sept jours et sauf opposition du salarié intéressé (C trav art L 3123-13).
Jusque-là, tout semble à peu près compréhensible. Mais la suite se complique singulièrement.
En effet, les heures complémentaires sont soumises à une double limite à laquelle il ne peut pas être dérogé :
• En l’absence de disposition conventionnelle, le nombre d’heures complémentaires effectuées au cours d’une même semaine ou d’un même mois ne peut pas être supérieur à 1/10e de la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue au contrat (ex : pour un contrat de 30 heures, le nombre d’heures complémentaires possibles est de 3 h). Une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche étendu peut cependant porter ce nombre d’heures jusqu’au tiers de cette durée ;
• Ces heures complémentaires ne peuvent pas avoir pour effet de porter la durée du travail du salarié au niveau de la durée légale ou conventionnelle du travail. C’est ce que dit expressément le code du travail : « les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée de travail accomplie par un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale du travail ou, si elle est inférieure, au niveau de la durée de travail fixée conventionnellement ». La cour de cassation considère que « la sanction de l’inobservation de ce plafond est la requalification du temps partiel en temps complet à compter de la date à laquelle le dépassement a eu lieu » (cass soc. 5 avril 2006).
En un mot, le simple fait qu’une seule fois, et par le biais des heures complémentaires, le contrat à temps partiel ait atteint 35 heures, le fait basculer dans le temps plein « à compter de la date à laquelle le dépassement a eu lieu ». En résumé, le moindre faux pas est interdit...
2 - ...compliqué encore en 2013 par le système du complément d’heures...
Comme si ce système n’était pas assez compliqué, le législateur a inventé en 2013 le complément d’heures. Heures complémentaires et complément d’heures doivent être nettement différenciés.
En effet, comme nous l’avons vu, les heures complémentaires sont les heures effectuées au-delà de la durée du travail inscrite dans le contrat de travail, dans une certaine limite.
En revanche, les compléments d’heures sont des avenants signés entre l’employeur et le salarié permettant de majorer la durée du travail sur une période déterminée et ne donnant pas lieu à majoration.
Seules les heures complémentaires effectuées au-delà de l’avenant sont majorées (article L. 3123-22 du Code du travail).
En soi, l’idée du législateur était généreuse. On pense de suite au salarié embauché à temps partiel, dont la collègue de travail est absente par suite de maladie ou de maternité et qui se voit proposer par l’employeur de revaloriser provisoirement la durée de son travail durant cette absence.
Avant 2013, le processus était risqué pour les employeurs. La loi a désormais apporté la sécurité juridique...mais en renforçant la le cadre réglementaire. En effet, l’instauration d’un complément d’heures doit être prévue par une convention collective ou un accord de branche étendu (et en l’absence de dispositions spécifiques dans la convention collective ou l’accord de branche étendu l’instauration d’un complément d’heures devrait être abandonnée... la seule possibilité pour l’employeur étant dès lors l’embauche de CDD).
Chaque complément d’heures doit faire l’objet d’un avenant qui devra préciser la durée du travail durant cette période.
Plusieurs avenants peuvent être conclus dans l’année (jusque 8 par an et par salarié).
Enfin, les heures effectuées dans le cadre du complément d’heures ne font pas l’objet d’une majoration de salaire (au-delà de la durée prévue dans le cadre du complément d’heures, chaque heure complémentaire est majorée d’au moins 25 %) (C trav art L 3123-17 s).
Exemple : un avenant prévoit qu’un salarié travaillant habituellement 25 heures par semaine est amené à travailler 30 heures par semaine pendant 1 mois. Les heures effectuées entre la 25e et la 30e heure ne sont pas majorées. Imaginons maintenant que le salarié effectue 2 heures complémentaires, les 31e et 32e heures seront alors majorées de 25% minimum...
3 - ...un point en suspens : dans le cadre du complément d’heures, la durée du travail peut-elle être provisoirement portée à temps plein ?
Toutefois, et malgré la précision des textes, un point restait en suspens : par le biais du complément d’heures, la durée du travail pouvait elle être portée à temps plein ?
L’Assemblée Nationale et le Sénat n’étaient pas en accord sur ce point au moment du vote de la loi. Pour l’Assemblée, le complément d’heures pouvait permettre au salarié d’atteindre temporairement la durée légale du travail. Quant au Sénat, il expliquait qu’il appartenait aux employeurs de veiller à ne pas utiliser les avenants de complément d’heures pour faire accomplir à leurs salariés la durée légale ou conventionnelle du travail.
Pour la première fois, la Cour de Cassation répond à cette question.
Dans l’affaire jugée, une salariée travaillant 86,67 heures mensuelles, s’était vu proposer fin 2014, la signature d’un avenant complément d’heures portant sa durée mensuelle de travail à 152 heures (soit une durée légèrement supérieure à la durée du travail d’un salarié à temps plein qui s’établit à 151,67 heures mensuelles) pour une période de 11 mois, courant du 1er janvier 2015 au 6 novembre 2015. Devant les tribunaux, elle soutenait que ce système de complément d’heures ne pouvait porter la durée du travail à un niveau égal ou supérieur à la durée légale du travail. Son argumentation avait été rejetée devant le Conseil de prud’hommes et en Cour d’appel par un raisonnement simple : ni le Code du travail, ni la convention collective applicable n’avaient entendu limiter le nombre d’heures susceptibles d’être réalisées dans le cadre d’un avenant compléments d’heures. Cette démonstration est toutefois censurée par la Cour de cassation...
L’argumentation en trois temps de la Cour de Cassation est la suivante :
• Si le Code du Code du travail n’interdit pas expressément aux avenants complément d’heures d’atteindre ou de dépasser le niveau de la durée légale de travail, il précise cependant in fine que « les heures complémentaires accomplies au-delà de la durée déterminée par l’avenant donnent lieu à une majoration salariale qui ne peut être inférieure à 25% ». Ce texte prévoit donc la possible réalisation, par un salarié signataire d’un avenant complément d’heures, d’heures complémentaires ;
• Le complément d’heures s’inscrit dans le cadre du temps partiel, où il est précisément indiqué que les heures complémentaires « ne peuvent avoir pour effet de porter la durée de travail accomplie par un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale du travail ou, si elle est
inférieure, au niveau de la durée de travail fixée conventionnellement » ;
• En combinant ces deux articles, on peut tirer la conclusion que si des heures complémentaires peuvent être réalisées au-delà de la durée de travail fixée à l’avenant complément d’heures, c’est donc bien que cette durée ne peut être fixée à hauteur de la durée légale ou conventionnelle.
La cause est entendue : qu’il s’agisse d’heures complémentaires ou de compléments d’heures, l’augmentation de la durée du travail ne peut aboutir à ce que le contrat de travail à temps partiel devienne provisoirement à temps plein. Sachant que la conséquence du non-respect de ce principe serait dévastatrice pour l’employeur : la requalification du contrat en temps plein à compter de la date à laquelle le dépassement a eu lieu.
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