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L’apport cession de titres et l'obligation de réinvestissement incombant à la société holding

Dernière mise à jour : 15 mars 2021

Un chef d’entreprise qui envisage la cession de sa société peut anticiper l’opération afin

d’optimiser son traitement fiscal. Parmi les différentes solutions qui se présentent à lui,

l’entrepreneur peut avoir intérêt à apporter ses titres, avant leur cession, à une société

holding qui cèdera à son tour les titres reçus.



1- L’INTÉRÊT FISCAL ET FINANCIER DE L’APPORT-CESSION


Il existe un double intérêt fiscal à procéder ainsi dans la mesure où :

  • L’apport des titres à la société holding va bénéficier d’un report d’imposition.

  • La revente des titres par la holding ne dégagera, si elle a lieu rapidement, ni gain ni perte puisque les titres seront normalement cédés à la valeur pour laquelle ils ont été apportés.


La société holding se retrouvera ainsi avec la totalité du produit de la vente des titres qui n’auront subi aucun prélèvement fiscal (1).


Cette manière de procéder a paru tellement "optimisante" que l’administration fiscale, dans le cadre de la procédure de l’abus de droit, a tenté et réussi, à plusieurs reprises, de remettre en cause un certain nombre d’opérations (2).


Mais surtout le législateur a instauré depuis 2013 un dispositif fiscal qui « condamne » une société holding à conserver pendant trois ans les titres reçus qu’elle a reçus, dès lors qu’ils lui ont été transmis dans le cadre d’un apport ayant bénéficié du report d’imposition.


Dans l’hypothèse où cette obligation n’est pas respectée l’opération ne peut plus bénéficier du report d’imposition et la plus-value en report devient imposable chez l’apporteur.


Toutefois si la société holding ne conserve pas les titres reçus, il n’est pas mis fin au report d’imposition lorsqu’elle prend l’engagement d’investir au moins 60 % du produit de la cession (50 % avant le 1er janvier 2019), dans un délai de deux ans à compter de la date de la cession.


EXEMPLE

  • Monsieur X est propriétaire de titres F acquis pour un prix de 100,

  • Il les apporte pour une valeur de 150 à une holding H,

  • Plus-value en report 50,

  • La holding H cède rapidement les titres reçus pour le même prix de 150,

  • Elle devra réinvestir dans les 2 ans un montant de 90 (60 % de 150).


2- L’OBLIGATION DE RÉINVESTISSEMENT


L’administration a précisé les modalités de cette obligation. C’est ainsi que la société holding peut réinvestir :

  • Dans le financement de moyens permanents d’exploitation affectés à son activité commerciale au sens de l’article 34 du CGI ou de l’article 35 du CGI, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière. Toutefois, les activités de gestion par la société de son propre patrimoine mobilier ou immobilier sont exclues ;

  • Dans l’acquisition d’une fraction du capital d’une ou de plusieurs sociétés exerçant une telle activité, sous la même exclusion, que précédemment et répondant aux conditions tenant au régime d’imposition de la société et à son siège social. Le réinvestissement ainsi opéré doit avoir pour effet de lui conférer le contrôle de chacune de ces sociétés au sens du 2° du III de l’article 150-0 B ter du CGI ;

  • Dans la souscription en numéraire au capital initial ou à l’augmentation de capital d’une ou plusieurs sociétés répondant aux conditions tenant à l’activité de la société, à son régime d’imposition et à la localisation de son siège de direction effective ;

  • Dans la souscription, depuis 2019, de parts ou actions de fonds communs de placement à risques, de fonds professionnels de capital investissement, de sociétés de libre partenariat ou de sociétés de capital-risque respectant les conditions prévues, respectivement, par le code monétaire et financier, ou d’organismes similaires d’un autre État membre de l’Union européenne (UE) ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales.

3- LES DÉLAIS ET LES CONDITIONS À RESPECTER


Dans tous les cas le réinvestissement doit être effectué dans une perspective d’investissement de long terme.


Cette condition de pérennité est satisfaite lorsque les biens ou les titres objet du réinvestissement sont conservés pendant au moins douze mois, ce délai étant décompté depuis la date de leur inscription à l’actif de la société.


En ce qui concerne les parts ou actions de fonds, sociétés ou organismes souscrites dans les conditions ,légales, cette condition de conservation est satisfaite lorsque ces parts ou actions sont conservées pendant au moins cinq ans, ce délai étant décompté depuis la date de leur souscription par la société cédante.


En tout état de cause dès lors que cette obligation de pérennité n’est pas respectée il est mis fin au report d’imposition au titre de l’année au cours de laquelle cette condition cesse d’être respectée.


Cette obligation de réinvestissement a donné lieu à de nombreux contentieux dans la mesure où l’administration peut contester la nature du réinvestissement.


C’est ainsi que n’a pas été considéré comme valable :


Un abandon de créance réalisé au profit d’une société, un prêt ou une avance en compte-courant, un réinvestissement dans du meublé, un rachat à soi-même via la société holding.


Tous ces éléments doivent conduire les opérateurs à être très prudents dans le choix qu’ils vont exercer d’autant que la jurisprudence relative à l’abus de droit en matière d’apport-cession de titres a été déclarée constitutionnelle (CE QPC 10e-9e ch. 22-9-2017).


En cas d’engagement de réinvestissement, ce réinvestissement doit intervenir dans un délai de deux ans à compter de la date de la cession. Le décompte de ce délai de deux ans est effectué de date à date.


Le non-respect de ces conditions de réinvestissement entraîne l’expiration du report d’imposition et donc l’imposition de la plus-value constatée lors de l’apport qui pourra intervenir :

  • Au titre de l’année d’expiration du délai de deux ans, décompté de la date de la cession

  • Au titre de l’année au cours de laquelle la condition de conservation des actifs acquis en remploi cesse d’être respectée.

On notera que l’imposition de cette plus-value est établie l’année d’expiration du report, cependant, cette plus-value sera déterminée suivant les règles d’assiette et le taux d’imposition applicables l’année de réalisation de l’opération d’apport les ayant générées. Application dite du « taux historique ».


Il convient de souligner que la plus-value placée en report d’imposition peut être contrôlée et rectifiée par l’administration jusqu’au 31 décembre de la troisième année qui suit la date de réalisation du fait générateur d’imposition, c’est-à-dire la date à laquelle intervient un événement qui entraîne l’expiration du report d’imposition.

1 Comment


Laurent Savarin
Laurent Savarin
Nov 30, 2022

Le Conseil d’Etat (CE, 10 juillet 2019, n° 411474) a jugé que la CAA de Marseille a commis une erreur de droit en jugeant que « par principe, un prêt ne peut représenter un investissement à caractère économique en l’absence de circonstances particulières de nature à lui retirer son caractère patrimonial ». Il relève qu'un prêt peut au contraire, au regard notamment de la qualité de l'emprunteur, de son objet et de ses modalités, s'analyser comme un investissement à caractère économique.

Laurent Savarin

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