Ce nouvel article explore en détail les conditions et implications de l’article 150-0 D ter du CGI, qui offre un abattement fixe de 500 000 € sur les gains nets de la cession de titres ou droits dans certaines entreprises.
Il vise à clarifier les nombreuses conditions requises pour bénéficier de cet abattement, un sujet souvent mal compris et source de contentieux.
1) Contours du dispositif fiscal
En application de l’article 150-0 D ter du CGI les gains nets retirés de la cession à titre onéreux ou du rachat par la société émettrice d’actions, de parts de sociétés, ou de droits démembrés portant sur ces actions ou parts, sont réduits, sous certaines conditions, d’un abattement fixe de 500 000 €.
Par ailleurs, et en application du même article, le complément de prix (clause de earn out) afférent à la cession de ces titres est réduit de ce même abattement fixe, à hauteur de la fraction non utilisée lors de cette cession.
Cet abattement est applicable pour la seule détermination de l’impôt sur le revenu, les prélèvements sociaux (17.2%) restant dus sur le montant de la plus-value brute sans application dudit abattement.
De nombreux contentieux récents démontrent que ce dispositif fiscal particulièrement intéressant, reconduit jusqu’en 2024, n’est pas toujours correctement compris et appliqué et de ce fait remis en cause par l’administration.
NB : La société dont les titres ou droits sont cédés doit être une petite ou moyenne entreprise (PME) au sens du droit de l’Union européenne. Cette condition s’apprécie à la date de clôture de chacun des deux derniers exercices qui précèdent la date de la cession.
2) L’exercice d’une activité opérationnelle
Pour bénéficier du dispositif, une société aura dû exercer, de manière continue au cours des cinq années précédant la cession, une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière ou avoir eu pour objet social exclusif de détenir des participations dans des sociétés exerçant les activités éligibles précitées. Le dispositif a été étendu aux sociétés opérationnelles (y compris celles ayant une activité financière ou bancaire) et aux sociétés holding animatrices de leur groupe (CE 13 juin 2018, n° 395495).
Il en va de même lors de cession de titres ou droits de sociétés holding non animatrices, qui ne font qu’exercer les prérogatives usuelles d’un actionnaire (droits de vote et droits financiers), mais dont l’objet social exclusif est la détention de participations soit dans des sociétés
opérationnelles éligibles, soit dans des sociétés holding animatrices de groupe.
De ce fait les activités de gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier sont exclues du champ des activités éligibles. C’est la raison pour laquelle l’abattement retraite n’est pas applicable aux plus-value de cession de droits détenus dans des sociétés ayant pour activité la gestion de leur propre patrimoine :
• mobilier (sociétés civiles de portefeuille ayant opté pour l’impôt sur les sociétés et dont l’actif n’est pas exclusivement composé de titres de capital ou donnant accès au capital de sociétés opérationnelles ou de sociétés holding animatrices) ;
• ou immobilier (notamment les sociétés immobilières ayant pour objet gestion de leurs immeubles).
II
3) Soumission à l’impôt sur les sociétés ou à un impôt équivalent
Dans ces conditions, la société doit être établie en France et soumis à ce titre à l’impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun. Aussi les cessions de titres de sociétés relevant du régime fiscal des sociétés de personnes prévu de l’article 8 du CGI à l’article 8 ter du CGI, et dont les bénéfices sont imposées entre les mains de leurs associés, sont donc exclues du dispositif de l’abattement.
Lorsque la société est établie hors de France, l’abattement fixe s’applique aux cessions de titres de sociétés qui seraient soumises, dans les conditions de droit commun, à l’impôt sur les sociétés si leur activité était exercée en France.
C’est ainsi qu’il a été précisé que la société émettrice des titres ou droits cédés doit avoir son siège de direction effective dans un État ou territoire partie à l’accord sur l’EEE ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales.
4) Conditions tenant aux titres ou droits cédés
La cession doit normalement porter sur la totalité de la participation détenue.
De ce fait, elle est en principe unique et totale dans la mesure où elle concerne l’intégralité des parts ou actions détenue par le cédant dans la société dont les titres ou droits sont cédés.
Toutefois, elle peut être partielle lorsqu’elle porte sur un nombre de titres ou de droits correspondant à plus de 50 % des droits de vote de la société dont les titres ou droits sont cédés ou, en cas de la seule détention de l’usufruit, sur un nombre de droits démembrés correspondant à plus de 50 % des droits dans les bénéfices sociaux de la société concernée.
Par dérogation au principe de la cession des titres ou droits réalisée à une même date, dans l’hypothèse où les cessions seraient échelonnées dans le temps, qu’elles soient réalisées au profit d’un ou de plusieurs cessionnaires, il est admis que plusieurs cessions puissent être cumulativement prises en compte pour apprécier la condition de cession totale ou majoritaire.
5) Conditions tenant au cédant
Le cédant doit avoir exercé, au sein de la société dont les titres ou droits sont cédés, de manière continue pendant les cinq années précédant la cession, une fonction de dirigeant.
Cela implique cumulativement que :
• La nomination à cette fonction a été régulière ;
• La fonction a été effectivement exercée : dans une jurisprudence récente, il a été rappelé que les fonctions de direction doivent être effectivement et personnellement exercées par le cédant. Celui-ci doit consacrer à ses fonctions une activité et des diligences constantes et réelles. Le fait de confier à un tiers le soin d’exercer les fonctions incombant au dirigeant ne permet pas de respecter les conditions et prive le cédant d’obtenir l’abattement (CE 25 octobre 2023, N°470394).
• La fonction a donné lieu à une rémunération normale ;
• La rémunération de la fonction a représenté plus de la moitié des revenus professionnels du cédant.
Il a été jugé qu’un contribuable qui n’a perçu aucune rémunération au cours des N, N + 3 et N + 4 précédant la cession ne pouvait pas bénéficier de l’abattement (CAA Nancy 6-12-2018).
6) Conditions tenant à la détention d’une participation substantielle
Le cédant doit, de manière continue pendant les cinq années précédant la cession, avoir détenu au moins 25 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société dont les titres ou droits sont cédés :
• Directement ;
• Par l’intermédiaire d’une société interposée qui relève de l’article 8 du CGI;
• Par l’intermédiaire de son cercle familial (conjoint, partenaire pacsé, ascendants ou descendants, frères et sœurs).
Pour l’appréciation du pourcentage de 25 %, il est admis que ces trois modes de détention soient pris en compte de manière cumulative.
Il a été précisé que le respect des conditions doit être apprécié au seul niveau du cédant, c’est-à-dire de la personne physique qui cède ses droits sociaux.
Aussi lorsque les époux ou partenaires liés par un Pacs remplissent chacun l’ensemble des conditions prévues pour le bénéfice de l’abattement chacun d’eux est susceptible d’en bénéficier.
7) Conditions liées à un départ à la retraite du cédant
Le cédant doit, dans les deux années suivant ou précédant la cession, cesser toute fonction dans la société dont les titres ou droits sont cédés et faire valoir ses droits à la retraite.
Ce délai de deux années, apprécié de date à date, s’entend comme un délai pouvant aller de deux ans avant à deux ans après la cession.
Dans une récente réponse, l’administration admet qu’un dirigeant ayant cédé sa société avant la réforme des retraites et qui ne peut plus, à la suite de cette réforme, faire valoir ses droits dans le délai de deux ans puisse, sous certaines conditions, conserver le bénéfice de l’abattement (Rép. Gatel : Sén. 28-9-2023 no 6476).
8) Absence de participation dans la société cessionnaire
Le cédant ne doit pas détenir, directement ou indirectement, de droits de vote ou de droits dans les bénéfices sociaux de l’entreprise cessionnaire.
En cas de non-respect de cette condition de détention à un moment quelconque au cours des 36 mois suivant la cession, l’abattement fixe qui a été appliqué est remis en cause au titre de l’année au cours de laquelle la condition cesse d’être remplie.
Cependant il est admis que le cédant puisse détenir seul, directement ou indirectement, au maximum 1 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société cessionnaire.
CONCLUSION
L’avantage fiscal consenti dans le cadre de l’abattement retraite est assorti de nombreuses conditions qui doivent être strictement respectées.
L’administration a rappelé, s’agissant d’un texte exceptionnel, qu’en cas de non-respect de l’une des conditions prévues par celui-ci, l’abattement fixe sera remis en cause au titre de l’année de cession.
Mieux vous informer, nous rapprocher de vous et encore mieux vous conseiller.
Nos spécialistes restent à votre écoute.
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